L’Italie entre en guerre contre les puissances centrales en mai 1915. Les Alpini italiens attaquent les Autrichiens
sur la frontière montagneuse du Sud Tyrol, province qu’ils revendiquent depuis 1860 (sous le nom de Trentin).
En 1917, une série de combats particulièrement violents mais surtout originaux, se déroule dans le massif
de l’Ortler à 3 900 mètres d’altitude.
Dans le Sud Tyrol, en 1917, Autrichiens et Italiens s’affrontent. Le point d’appui le plus occidental
de ce front alpin est le massif de l’Ortler (3900 m), important ensemble de sommets de plus
de 3 000 m et de glaciers fortement inclinés s’appuyant sur la frontière suisse. À l’automne 1916,
après un an et demi de combats d’altitude, les chasseurs impériaux autrichiens tiennent la
quasi-totalité de la ligne de crêtes. Les Alpini sont cependant installés dans des cabanes
accrochées de façon périlleuse sur une courte partie de celle-ci, le sommet de la
Hohe Schneide. Ils bénéficient de vues extraordinaires sur la Trafoier Tal, vallée par laquelle les
Autrichiens acheminent leur ravitaillement par mules et par porteurs. Craignant qu’au printemps
les Italiens ne bombardent cette vallée avec les canons qu’ils ont montés à proximité, les
Autrichiens décident de s’emparer de ce sommet de 3 500 mètres. Mais le glacier du
Monte Cristallo est trop raide et trop à vue du sommet.
Un tunnel sous le glacier
L’arête qui y monte est inaccessible, même pour les meilleurs guides. Ils décident donc de
creuser un tunnel sous le glacier. Celui-ci atteint 2 000 mètres de long car il doit
comprendre de nombreux virages, trois cavernes avec des baraques pour se reposer,
se réchauffer et stocker armes et outils. Les crevasses permettent d’évacuer discrètement
les 400 000 m3 de neige et de glace déplacées par le creusement. Le 17 mars, le
sommet est atteint par surprise car un Italien crève la voûte et tombe au milieu des Autrichiens.
La petite garnison est culbutée dans la vallée et un bataillon d’Alpini effectue une
contre-attaque meurtrière pour reprendre le sommet.
Malheureusement, cette action n’empêche pas les chasseurs impériaux de conserver un
petit détachement sur l’arête, avec des vues sur le versant italien. Jusqu’à la fin de la
guerre, cette zone de très haute altitude fait encore l’objet d’incessants combats pour la
maîtrise de ces emplacements.
Combat au corps à corps
Forts de cette expérience, les Autrichiens tentent de régler un problème identique dans la même région :
s’emparer de postes accrochés sur la ligne de crête proche de l’Ortler, le « mur de glace du Trafoier »
(Trafoier Eiswand) paroi verticale et glacée au Nord, et arête en « lame de rasoir » à l’Est et à l’Ouest.
Il est plus accessible au Sud italien et demeure à vue des canons lourds hissés à plus de 3 000 m.
Construire ce tunnel est encore plus difficile car la verticalité empêche de créer des cavernes et les
passerelles sont remplacées par des échelles qu’il faut déplacer sans cesse car le glacier bouge énormément.
Un lieutenant et quinze spécialistes de la Compagnie de Haute Montagne (Horchgebirges Kompagnie),
tous guides souvent issus de la région, sont chargés de cet exigeant et délicat labeur, fait d’aller-retours
permanents. Le 1er septembre, ils débouchent au sommet et, après un combat vertigineux au corps à corps,
s’emparent de celui-ci. La pente favorable du côté italien permet une violente contre-attaque : les quinze
Autrichiens font face à un demi-millier d’Alpini. Ces derniers subissent de fortes pertes mais réussissent à
contourner la crête au prix d’escalades acrobatiques. Ils pénètrent dans le tunnel et prennent à revers les
attaquants autrichiens. Cette fois-ci le sommet reste aux mains des Italiens jusqu’à la fin de la guerre en 1918.
L’importance de ces combats pour l’ensemble de la guerre est bien sûr minime car ils ont mis en jeu des
effectifs très faibles pour des gains de terrain insignifiants. Néanmoins, les conditions très particulières
dans lesquelles ils se sont déroulés, la ténacité, l’ingéniosité, l’audace et les qualités alpines déployées
des deux côtés méritent qu’on les sorte de l’oubli.
Texte : Lieutenant-colonel (er) Benoit DELEUZE - Illustrations : DR in site Armée de Terre