Cette rubrique a pour vocation de faire découvrir les chants militaires, partie intégrante de notre patimoine culturel. Pour commencer, les chants de promotions de l'Ecole Spéciale de Saint-Cyr Coetquidan. Chaque promotion, à travers ce chant, rend hommage à son Parrain dont elle tire son nom. Ces chants sont présentés sans ordre chronologique.
Promotion E.S.M. “ Chef de bataillon Bulle ” 2010 - 2013
Biographie
Le héros de Frison-Roche (Les montagnards de la nuit), de Jean d'Arbaumont (Capitaine Bulle) et de Gil Emprin (Les Carnets du Capitaine Bulle, l'homme derrière la légende), Jean Bulle, est né à Pontarlier en 1913. Il nourrit très tôt une véritable vocation pour le métier des armes malgré une santé fragile, suivant l'exemple de son père combattant des tranchées. Les camarades de Bulle diront de lui par la suite : «nous avons été attiré tout de suite par ce grand garçon sérieux, au regard brillant d'intelligence, de foi ardente aussi bien religieuse que patriotique (...), il aimait la vie, mais déjà nous pressentions qu'il saurait se sacrifier, s'il le fallait, pour une cause juste et féconde. »
Sa vie de Saint-Cyrien
Entré en Corniche au Prytanée National Militaire de La Flèche, il intègre l'Ecole Spéciale Militaire de Saint-Cyr le 29 septembre 1934. Membre de la Promotion du roi Alexandre Ier, il fut gradé aux jeunes de bazars encore inconnus qui diront de lui : «Il s'imposait à nous par l'exemple permanent qu'il nous offrait dans la vie de tous les jours. Il avait le sens du commandement allié à un grand souci de l'humain ; il a su nous accueillir d'une façon ferme et à la fois amicale et nous faire passer sans douleur de la vie du lycéen à celle d'élève-officier. Il savait pratiquer avant même de l'être le rôle social de l'officier. Nous, dont la promotion a pris le nom du maréchal Lyautey y avons été particulièrement sensibles. Je ne m'étonne pas que Bulle ait fait de grandes choses, car il avait un rayonnement certain et une grande foi dans son métier. » (Lieutenant Tom Morel) Il reste peu d'écrits sur lui à Saint-Cyr mais ces écrits, si courts soient-ils, parlent d'eux-mêmes : «Sujet de choix, sait ce qu'il veut et le veut bien (...) plein de foi et d'allant, se donnera à la tâche de tout cœur et fera un officier solide aux qualités de premier ordre. »
Sa vie de chef
Sorti 26ème de Saint-Cyr, il choisit de servir au 60ème Régiment d'Infanterie, avant de prendre la tête, en septembre 1939, d'une section d'éclaireurs-skieurs au 70ème Bataillon Alpin de Forteresse. Il contribuera grandement, par ses qualités sportives et humaines, à forger l'identité et la compétence de cette section d'élite (les SES sont les ancêtres des actuels Groupe Commando Montagne) composée des meilleurs montagnards de la région du Beaufortain. «Cet officier aime passionnément ses hommes qui le lui rendent bien. » Ses premiers faits d'armes auront lieu avec cette section, du 14 au 21 juin 1940, sur le col de la Seigne et le col de la Tête de l'Enclave. A cet endroit stratégique de la Bataille des Alpes, le lieutenant Bulle et sa section tiennent le col face aux bataillons italiens d'élite, les Alpini : ce seront les combats les plus hauts de l'année 1940. Les Français en infériorité numérique repoussent héroïquement les Italiens, avant de se replier dans des conditions extrêmes sous les ordres de leur chef. Le lieutenant Bulle récolte une citation à l'ordre de l'Armée, et surtout l'éloge des grands alpins de l'époque. Le général Touchon, qui commandait la 6ème Armée et le Front des Alpes au début de la guerre, lui écrivit : «Vous êtes, je crois bien, celui qui a lutté à la plus haute altitude contre l'ennemi et la tourmente réunis ! Vous l'avez fait avec cœur, intelligence et courage. » Le général Vallette d'Osia qui, alors commandant vint sur place en 1942, affirme que «le rôle de sa section d'éclaireurs fut, à la Seigne et à l'Enclave, extraordinaire et primordial. » Mais si l'Armée des Alpes reste invaincue sur le champ de bataille, elle doit se soumettre à l'armistice. En 1943, Jean Bulle entre en résistance : il mène désormais avec sa famille une vie clandestine, caché la plupart du temps par les anciens membres de sa section d'éclaireurs-skieurs. Ses qualités d'organisateur font merveille lors de l'exécution de plusieurs coups de main et sabotages, et le place à la tête du maquis du Beaufortain en tant que chef militaire. Il organise le parachutage du col des Saisies, armant ainsi son bataillon de 1200 maquisards. Il parvient à éviter dans son district les répressions sanglantes de l'occupant : il ne concentre jamais tous ses hommes au même endroit, et mène des opérations à l'aide de petits groupes de résistants. Cette clairvoyance a eu pour effet d'éviter dans cette région des tragédies semblables à celles du Vercors ou des Glières.
Lors de la Libération, le Bataillon Bulle finit par encercler Albertville encore aux mains des Allemands. Voulant éviter une lutte qui impliquerait la population, le capitaine Bulle se rend, seul et sans armes, aux portes de la ville pour négocier la reddition allemande, sur la promesse d'un officier ennemi de pouvoir repartir libre. Il sera encerclé, abattu et retrouvé le lendemain matin sur une petite route de terre. Le Bataillon Bulle est devenu depuis le 7ème Bataillon de Chasseurs Alpins, installé à Bourg SaintMaurice dans le quartier baptisé « chef de bataillon Bulle ». En effet, le capitaine Jean Bulle a été élevé à titre posthume au grade de chef de bataillon en récompense d'une vie dévouée à la grandeur de la Patrie, à l'honneur et à ses hommes. Le 7ème BCA quittera le « quartier Bulle » en 2013 pour s'installer à Varces près de Grenoble. Le bataillon reste néanmoins, dans ses traditions, très attaché à cette figure emblématique de soldat de montagne.