" Un évènement historique peut illustrer une « autre façon » de penser la culture en guerre : le concert du 09 août 1942 à Léningrad, qui vit l’orchestre de la ville jouer la 7e symphonie de Dmitri Chostakovitch, en plein siège, dans un contexte de guerre totale menée par des régimes totalitaires.
Car la guerre qui opposa l’Allemagne nazie et l’URSS fut celle de tous les superlatifs et poussa la logique de la « mort industrielle » à son paroxysme par l’union du taylorisme technologique et du totalitarisme inhumain. La mobilisation de la population soviétique fut totale, permanente, paroxystique. L’économie de l’URSS, ravagée par l’invasion allemande et amputée d’une grande part de ses capacités de production, fut toute entière mise au service d’un conflit à mort, d’une guerre qui ne pouvait s’achever par la défaite, mais uniquement par la destruction de l’adversaire. Loin de chercher à imposer à l’autre, selon un mode clausewitzien, sa volonté par la force, les deux protagonistes ne recherchaient que l’anéantissement. Plusieurs crans « au-delà » de la pandémie actuelle, donc.
L’été 1942 est calamiteux pour l’Union soviétique et le pays atteint le bord de l’abîme. 80 millions d’habitants sont sous le contrôle du Reich, le PIB a chuté de près de 50% en un an et n’atteint plus que 75% de celui de l’Allemagne. La production de céréales a reculé des deux tiers, le pays entier à faim. Sous perfusion de l’aide anglo-américaine, Staline édicte fin juillet son « ordre 227 » : fini la retraite pour échanger du temps contre de l’espace. Dos au mur, le pays, presque à genoux, tient sur le fil du rasoir avec deux cités symboliques aux deux extrémités du front : au sud-est, Stalingrad, au nord, Leningrad. "
Extrait de l'article de Stéphane AUDRAND paru ET à lire en entier sur le site internet de Theatrum Belli